Effet domino chez les opérateurs français

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Effet domino chez les opérateurs français

Vivendi a à peine confirmé sa décision de céder SFR à Numéricable qu’on apprend déjà que Free et Bouygues Telecom poursuivraient leurs discussions concernant un rapprochement.

Au delà de la déception de Bouygues Telecom, que comprendre de cette série à rebondissements qui n’en est manifestement pas à son terme ?

La décision de Vivendi: un choix “raisonnable”

Plusieurs articles reviennent sur les offres respectives de Bouygues Telecom et Numericable, notamment celui de l’Expansion. Malgré une offre en cash supérieure de Bouygues Telecom, c’est donc Numericable qui l’a emporté : rappelons que Vivendi reste actionnaire minoritaire de l’ensemble après le rachat, et est donc intéressé à la réussite du deal à terme (à visualiser grâce à l’infographie des echos illustrant ce point ). L’argument de l’emploi a été très largement mis en avant par Vivendi, expliquant que le rapprochement de deux acteurs très semblables était forcément plus problématique.

Un lobbying étonnant des pouvoirs publics

On attend donc de voir le discours qui sera tenu par Arnaud Montebourg, qui s’était déjà très largement exprimé sur le sujet, alors que - rappelons-le - l’état n’est actionnaire d’aucun des acteurs concernés.

Les pouvoirs publics s’exprimaient donc en faveur d’une concentration du marché (après avoir fait entrer un 4ème opérateur dans le marché), et pour une solution très discutable en matière d’emplois. Au delà du fait que la CDC, bras financier de l’état, faisait partie du dernier tour de table de Bouygues Telecom, il est très étonnant que les pouvoirs publics se soient permis de s’exprimer de manière aussi abondante sur un dossier privé, perturbant de ce fait les négociations d’une part, mais aussi les cours de bourse des différentes parties prenantes, sur des arguments restant à l’écart des thématiques plus classiques de la part d’un tel interlocuteur : protection du consommateur, stimulation de la concurrence, préservation de l’emploi, innovation du secteur et pérennisation des infrastructures. Mais ceci reste un autre débat.

Free est passé à côté d’un beau cadeau

… qui de l’avis de certains n’est pas le premier.

Un fait intéressant : le cours d’Iliad qui accuse le coup après la nouvelle, mais qui commence à se reprendre du fait des rumeurs de rapprochement entre Free et Bouygues Telecom.

Car si on reprend son historique mobile, on se souviendra que Free a bénéficié d’un tarif avantageux concernant les fréquences 3G achetées initialement (240 millions, qui avaient été estimés sous évalués et discriminatoires par les opérateurs historiques - mais déboutés par le conseil d’état à l’époque en 2010).

Depuis janvier 2013, Free a par ailleurs hérité d’un peu de spectre dans les 900MHz de la part des 3 autres opérateurs, avec une contribution plus importante de … Bouygues Telecom (4,8MHz vs. 2,4MHz pour Orange et pour SFR): ces fréquences, que Free utilise en 3G, lui permettent d’améliorer sa couverture, le 900MHz rentrant mieux dans les bâtiments et permettant de couvrir des zones plus larges que le 2100MHz (la bande dédiée à la 3G en France).

Globalement, Free a une politique très stricte pour ne pas payer “trop cher” le spectre radio qu’il utilise (refus de payer trop cher des reliquats de fréquences 3G, refus d’acheter des fréquences 4G “en or” dans les 800MHz, en se contentant donc des 2 600MHz), or Bouygues Telecom se proposait de revendre à Free l’intégralité de son réseau ET de ses fréquences, pour une somme très peu élevée (à peu près 15 000 antennes pour 1,8 millards d’Euros). Une affaire qui aurait été excellente pour Free – cet excellent négociateur, et qui peut à elle seule expliquer la chute du cours d’Iliad au lendemain de la nouvelle.

Quel projet industriel pour Bouygues Telecom?

Dès lors, que penser du projet industriel que Bouygues Telecom portait avec son offre ? Un opérateur qui a réussi un coup de poker très adroit en arrivant à couvrir 60% de la population en 4G en très peu de temps grâce à ses antennes 1800MHz (avec une communication très forte sur le sujet, et une couverture visuellement impressionnante, que vous pouvez comparer sur sensorly), et qui cèderait à bas prix cet actif à très forte valeur qu’est son réseau, développé sur des années et qu’il connaît intimement, pour hériter du réseau de SFR, totalement méconnu (techniquement mais aussi en qualité) - et disposant d’une couverture 4G comparativement très faible ? Tout ça pour récupérer une base client qui peut faire le choix de passer à la concurrence à court ou moyen terme (par exemple pour aller chez Free, alors équipé d’un super réseau !) ? Patrick Drahi (Numericable) a préparé de longue date son dossier de rachat, peut-être n’en était-il pas de même pour Bouygues Telecom.

Faites vos jeux!

Cette conclusion de la part de Vivendi n’est que le début des grandes manoeuvres : Free a besoin de pouvoir se passer, à terme, de son accord de roaming national avec Orange, Bouygues Telecom n’est pas à l’aise avec une part de marché peut être un peu faible pour atteindre une masse critique, et Numericable s’est peut être trop endetté pour pouvoir investir à long terme et rester compétitif. Y a t'il un opérateur de trop en France : faites vos jeux!

Publié le 09 avr. 2014

Mis à jour le 01 oct. 2024

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Ecrit par
Nicolas Blaisot
Nicolas Blaisot Nicolas a travaillé dans de nombreuses entreprises de conseil avant de rejoindre Thiga en 2014 comme Partner. Il a ensuite été Chief Product Officer chez Kadensis, Oscaro et est aujourd’hui chez Sanofi dans un rôle de Senior Product Manager. Toutes ces expériences lui ont permis de travailler dans des environnements agiles et des produits numériques complexes, impliquant le web, les applications mobiles, les solutions embarquées IoT.

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